vendredi 9 novembre 2007

Echos - 2-3 novembre 2007 à Alger - Introduction d'Edith Cresson au Colloque organisé par le Cercle des Economistes français

Chers Amis,

Edith Cresson, membre du Conseil d'Administration et du Bureau, Présidente de la Commission "Economie" de l'Association, s'est rendue en Algérie le 2 et 3 novembre dernier à l'occasion du colloque organisé par le Cercle des Economistes français présidé par J.H. Lorenzi. Elle a accepté d'ouvrir ce colloque avant de rencontrer un certain nombre de personnalités algériennes dans le cadre de ses responsabilités au sein de l'AFA.

Je vous prie de trouver ci-joint le texte de son intervention.

Raoul WEEXSTEEN

Secrétaire Général




Introduction de Mme Edith Cresson,

Présidente de la Commission Economie de l’Association France Algérie, au Colloque organisé par le Cercle des Economistes français consacré aux

« Défis de l’Union Méditerranéenne »,

Alger 2-3 novembre 2007

Je me retrouve en Algérie avec plaisir. J’y étais venue il y 5 ans pour participer à une large concertation au sujet de la réforme du système éducatif. J’ai conservé un excellent souvenir des échanges que j’ai eus avec les responsables du secteur éducatif aussi bien universitaire que dans le domaine de la formation professionnelle.

Je reviens aujourd’hui en tant que Présidente de la Commission Economique de l’Association France Algérie dont Pierre Joxe a accepté la Présidence, succédant ainsi à Bernard Stasi.

Je viens pour écouter les Algériens, rencontrer quelques personnalités marquantes et pour présenter cette Commission Economique dont tous les membres sont des experts, connaissant bien l’Algérie. Il n’y a pas d’enjeux particuliers et les compétences de cette Commission sont à la disposition de tous.

L’objet statutaire de l’Association France Algérie, créée en 1963, est de « concourir au développement de relations amicales et au progrès de la coopération entre Français et Algériens. En relation avec cet objet, elle combat le racisme et la xénophobie et toute discrimination fondée sur l’appartenance à une ethnie, une nation, une race ou une religion ».

C’est encore le rôle que veut se donner l’Association France Algérie dans la période qui s’ouvre (qui n’est facile pour personne). Nous savons que les Sociétés Civiles de nos deux pays sont et vraisemblablement resteront profondément liées. Ce constat conforte les sentiments d’amitié que se portent spontanément les Algériens et les Français et devrait modérer sinon empêcher la tenue de propos démagogiques, d’un côté comme de l’autre, qui s’ingénient à essayer d’accréditer le contraire.

Le Président du Cercle des Economiste Français, Jean-Hervé Lorenzi, m’a demandé à cette occasion d’ouvrir ce Colloque consacré aux défis de l’Union Méditerranéenne.

Cette initiative française est la dernière en date concernant l’avenir de « la Méditerranée ». Pendant plus d’une décennie, les pays méditerranéens ont mal vécu ce qui leur apparaissait comme un engouement exclusif pour les pays de l’Est, un affaiblissement du « tropisme méditerranéen » et un renoncement de l’Europe à son intérêt pour sa rive sud.

Ces ressentiments ont été plus ou moins pris en compte et plusieurs démarches ou structures ont été imaginées pour proposer un rééquilibrage : le Forum de la Méditerranée lancé par F. Mitterrand, le 5+5, le processus de Barcelone, l’Euro Med, l’Atelier Culturel méditerranéen. Je dois sûrement en oublier.

Toutes ces démarches ont été critiquées et ont, disons, déçu. Elles ont eu au moins l’avantage de mieux connaître les questions méditerranéennes, de mieux se connaître tout court : entre européens et méditerranéens, entre européens et enfin entre méditerranéens.

Entre temps aussi le contexte international a beaucoup changé qui nous interdit de rester sur des déceptions ou des rancœurs. Le sentiment que de nombreuses influences lointaines viennent contrarier une Entente Inter Méditerranéenne possible a grandi. En effet, nous sommes tous désormais soumis à deux impératifs venus d’ailleurs : celui de la Mondialisation et celui de la Sécurité. Ils génèrent de nouveaux problèmes que nous comprenons parfois mal, que nous avons des difficultés à gérer et qui exigent une nouvelle réflexion et surtout des décisions et des comportements nouveaux.

Si nous acceptons d’être réalistes, il semble bien que nous soyons tous logés à la même enseigne. Prenons quelques exemples.

Et d’abord un sujet sensible. Des deux côtés de la Méditerranée qui peut désormais saisir les motivations, les conditions, les formes, les résultats que prennent les courants migratoires ? Bien sûr, il faut très vite comprendre et agir, et surtout dans un autre esprit qu’actuellement.

Les nouvelles technologies de communication font que maintenant chacun est présent dans la quotidien de l’autre quelle que soit la distance géographique qui les sépare. Comment le prendre en compte entre nous ?

Les questions de pouvoir d’achat, de délocalisations industrielles, d’Investissements Directs Etrangers, d’intégration économique et sociale, de monnaie forte et de change, touchent toutes nos sociétés et souvent avec les mêmes effets. Nous avons même tous nos niches de pauvreté structurelle. Les spécialistes et il n’en manque pas dans cette salle vous diront aussi que la Méditerranée ne doit pas rester en dehors des grands courant économiques mondiaux.

Au vu de ce constat (et il est sommaire, on pourrait encore le développer), on comprend les réticences qui accueillent l’initiative française. Je n’ai pas la mission de la défendre à tout prix. Je pense seulement que nous n’éviteront plus très longtemps la nécessité de reprendre en main le destin de ce qui fait notre proximité.

Nous n’allons pas une nouvelle fois nous interroger seulement sur la spécificité méditerranéenne. Cette démarche est déjà riche. Depuis Braudel, livres, études, réflexions, romans foisonnent. La question est de savoir ce que nous faisons maintenant.

Nous savons spontanément ce que nous ne voulons pas en Méditerranée. Personne ne souhaite qu’il soit fait table rase de l’existant, même si des initiatives antérieures ont pu être décevantes. Personne n’acceptera non plus que « l’Union Méditerranéenne » ne soit qu’une poupée russe enfermée dans une plus grande. Nous connaissons les écueils. L’Union Méditerranéenne ne peut pas et ne doit pas être la mise en commun avec les pays du Sud des problèmes qui embarrassent l’Europe : l’émigration sauvage et la Sécurité antiterroriste.

Sur « l’Existant », il serait tout à fait déplorable de ne pas tenir compte de l’UMA (Union du Maghreb Arabe), structure de concertation que les Etats maghrébins se sont donnés en 1989. Et pourtant, à cette date la question du Sahara Occidental existait déjà. Beaucoup s’efforcent d’accréditer l’idée que cette structure est une coquille vide, alors que l’on sait très bien qu’une forte conscience maghrébine existe spécifique et sur tous les sujets.

Il faut désormais avoir entre nous des échanges positifs, débarrassés de la pesanteur de multiples « langues de bois ». Pas de sujets tabous, un lieu et du temps pour se projeter ensemble dans l’avenir. Nous en avons un besoin absolu. Cessons aussi de penser à partir de formules qui annihilent toute forme de réflexion un peu élaborée. Nous avons des intérêts communs qui ne sont pas toujours correctement inventoriés et estimés sur le long terme. Faisons un effort intellectuel qui dépasse l’opposition entre la rive nord et la rive sud. Travaillons la main dans la main.

Mettons à jour nos intérêts mutuels contemporains, immédiats. Encourageons la coopération et la promotion des investissements. Dans ce domaine, la France est le premier investisseur étranger hors hydrocarbures et ce courant progresse. Il s’inscrit dans l’effort considérable mené par le gouvernement algérien avec le Plan Complémentaire de soutien à la Croissance (2005-2009). Il marque la confiance et l’espoir des investisseurs français et leur désir d’accompagner cet effort qui suscite beaucoup d’espoir. Il souligne, avec l’accroissement général des investissements étrangers l’attractivité de l’Algérie et son fort potentiel.

Un livre blanc sur les conditions des investissements en Algérie sera prochainement soumis au débat par les chefs d’entreprises françaises établis en Algérie. Travaillons ensemble au renforcement du secteur financier algérien, condition du développement d’un secteur privé dynamique. Actuellement une réflexion est en cours sur la mise en place d’un programme ambitieux de renforcement des partenariats entre PME françaises et algériennes. Voilà plusieurs pistes concrètes où les qualités personnelles des acteurs économiques pourront se déployer. Et aussi les relations personnelles qui, on le sait bien, sont si souvent à la base du succès.

Si « l’Union Méditerranéenne » doit voir le jour, il est peu probable qu’elle pourra éviter de s’appuyer sur des axes bilatéraux forts, aux intérêts réciproques bien perçus et éprouvés, soutenus par des complémentarités économiques et par l’engagement des Sociétés Civiles des deux pays partenaires.

Même s’il n’est pas le seul :

L’axe Paris Alger est, sur tous ces points, exemplaire.

Edith Cresson

Ancien Premier Ministre

Membre du Bureau de France Algérie

Présidente de la Commission Economie

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